Je m'ennuie. J'ai mon après-midi de libre, et je n'ai strictement rien à faire. L'université me manque. J'aimais bien aller en cours, voir tout un tas de personnes différentes, avoir quelque chose à faire de sa journée, même si c'est glander sur la pelouse en papotant avec les copines. N'ayant pas envie d'être toute seule, j'ai décidé d'aller manger dehors. Quelque part où il y a du monde. Que je reste seule, mais entourée de la foule. Du coup, je suis retournée dans mon ancien quartier, celui où mes parents s'entêtent à rester malgré les difficultés à payer le loyer. Mais pas dans le côté trop riche. Je risquerais de croiser des têtes connues. Et ces têtes, je préfère les voir quand je suis complètement enfoncée dans mon mensonge.

Du coup, j'ai décidé d'aller au centre commercial. Ce n'est pas trop cher, je peux manger un simple sandwich pour cinq dollars, me poser près de la fontaine, et réfléchir. Quoi faire, me laisser tenter par les magasins ? Malgré le fait que je ne devrais pas dépenser un sou sous peine de finir à découvert ? Je ne sais pas, je réfléchis. Faire les magasins, ce n'était pas du tout mon truc, avant. Mais j'y ai pris goût. J'ai encore un peu de mal à m'habiller de manière vraiment féminine, et je ne le fais que pour des occasions comme des dîners, et des choses chez les riches. Ma famille, et les amis de la famille, principalement. En dehors, je reste en jean (mais j'ai apprivoisé le slim), et j'ai troqué le tshirt et les baskets par des ballerines et des petites blouses. Je m'aime bien, comme ça.

Je sais que je peux, dans cette tenue, vite essayer des chaussures. Idem pour le haut, mon chemisier sans manches s'enlèves vite. Mais est-ce que j'ai les moyens de faire les boutiques ? Je pourrais juste regarder sans essayer, aussi. Je ne sais pas. Je sursaute quand j'entends mon prénom. Je me retourne, oh, c'est Belle, une prof là où je fais de la danse. C'est aussi pour ça que j'hésite à faire du shopping. Car en plus du loyer, de la bouffe et des (quelques) sorties, je paye aussi pour mes cours de danse, la seule vraie distraction que j'aie. Et en plus ça m'aide à faire ressortir ma féminité, et j'en ai bien besoin.

"Hey, Belle, je t'avais pas vue ! Ca va et toi ?" Je fronce les sourcils à sa remarque sur le gala. Ah, oui, le gala. Je ne sais pas pourquoi je me suis portée volontaire pour les costumes. Je crois que je devais être la seule à n'avoir rien à faire d'autre de mon temps libre. A côté des mamans des petites qui dansent, et des mamans qui dansent dans mon groupe, je me suis sentie obligée de m'occuper de ça, pour éviter de créer un burnout si une maman s'était proposée. "Ah, je sais pas trop, là. Je n'ai pas encore reçu tous les groupes, et ça prend déjà beaucoup de place dans mon appartement. Je vais devoir organiser les essayages, aussi. J'espère qu'il n'y aura pas trop de retouches à faire parce que je ne sais pas du tout utiliser une machine à coudre !"